mardi 29 janvier 2008

enthousiasme

Les caractères les plus doux aiment la guerre, la désirent et la font avec passion. Au premier signal, ce jeune homme aimable, élevé dans l'horreur de la violence et du sang, s'élance du foyer paternel, et court, les armes à la main, chercher sur le champ de bataille ce qu'il appelle l'ennemi, sans savoir encore ce que c'est qu'un ennemi. Hier il se serait trouvé mal s'il avait écrasé par hasard le canari de sa soeur; demain vous le verrez monter sur un monceau de cadavres, pour voir de plus loin, comme disait Charron. Le sang qui ruisselle de toutes parts ne fait que l'animer à répandre le sien et celui des autres: il s'enflamme par degrés, et il en viendra jusqu'à l'enthousiasme du carnage.
Quatre siècles avant notre ère, des oies sauvèrent le Capitole; neuf siècles après la même époque, sous l'empereur Arnoulf, Rome fut prise par un lièvre (X).
L'empereur Arnoulf faisait le siège de Rome: un lièvre qui s'était jeté dans le camp de ce prince s'échappa en courant du côté de la ville; les soldats le poursuivant avec de grands cris, les assiégés, qui se crurent au moment d'un assaut général, perdirent la tête et prirent la fuite, ou se précipitèrent du haut des remparts. Arnoulf, profitant de cette terreur panique, s'empara de la ville. (Luitpr., hist., liv. I, chap. 8.) Muratori ne croit pas trop à ce fait, quoiqu'il nous ait été conté par un auteur contemporain. (Muratori Ann. d'Ital. ad ann. DCCCXCVI, in-4o, tom. V, pag. 215.) Je le crois cependant aussi certain que celui des oies.

Les Soirées de Saint-Pétersbourg
Joseph de Maistre

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