dimanche 20 avril 2008

sur l'abîme du parterre de pascal boulanger

Noli me tangere

Car sans ces éloignements, les âmes n’apprendraient jamais à s’approcher de Dieu.
Jean de la Croix






Qui fait place au monde dans l’échancrure de sa lumière
le désert des nuits laissant trace
d’une présence renoncée ?


Au commencement
la lumière se retire, pour dévoiler un espace enfin nu et disponible,
pour que toute volonté entre au-dedans d’elle-même.


C’est ainsi que les oiseaux s’ouvrent aux étangs
c’est ainsi que chacun se choisit d’instant en instant.


Je suis celui mobile et tremblant immobile dans le temps.
Je suis celui qui trouve et ne trouve plus un amour.




Je cherchais quelqu’un – là-bas – mais où ?


Quelqu’un passant
par-dessus l’ombre du temps

Quelqu’un pour qui



le rêve est une seconde vie



Qui ne dit jamais que oui dans l’éclat de la présence




Un oubli de ma propre obscurité est-il maintenu
quelque part
dans un autre royaume ?


Je cherchais un centre où aller, d’où revenir…

un espace complet pour rêver et m’inventer.



La voix s’est égarée en chemin.




Dans le parfum qui sépare

(tout ce qui s’accomplit est-il fait
pour l’oubli ?)



J’ai peur

de l’abandon
et de ma perte




Touchant l’étoffe qui sépare

- je ne veux plus que la mémoire humaine passe en moi -


dans l’humide des pourrissements
dans la vengeance du ressentiment


Je suis grand et souffrant comme le siècle auquel j’appartiens
suis-je idole de la caverne,
idiot et faible me vantant de mon idiotie et de ma faiblesse ?


J’ai des amours pour que la vérité ne me fasse pas périr.




Je suis là

dans l’échec et la question
dans la beauté qui ne fait pas question

m’offrant sans me dérober
m’avouant sans me désavouer

dans l’attente que rien d’attendu ne détruit encore


Voyageur qui pense en marchant
parle dans un saisissement qui le dessaisit




Le premier cri – la buée des lèvres – le dernier souffle

la lumière et son attente
l’inexistence


le détour
le retrait
le silence


Je voisine par un abîme – je le sais – indistinct
cherchant ce que je sais déjà




La splendeur du sang
rêve d’une fin joyeuse
au commencement des mondes

La chevelure de l’aube maudit
le désir des mères

Qui demeure seul, dans cet abîme,
ne voyant ni fond ni rive ?


Quelqu’un passe l’éponge sur le tableau
un papillon se peint les ailes
une voix inonde mon oreille


Rien qu’une scène vide
un cœur qui bat lui-même
du battement du dehors




La pensée se pose la question du commencement
de l’oubli livré à l’oubli

mais si je deviens ce que je vois
ne suis-je pas en toute chose, éternellement ?


Regard
sauvegarde


méthode sans méthode


Je m’arrange ici-bas
dans le jour et l’heure
parmi les herbes et les fleurs


Avec cette outre d’excréments
comme là-haut
yeux fixés au-dessus du ciel


Le cœur consumant
l’amour incendiant

le manteau bleu livré aux fauves
le cou de Flore d’où jaillissent des lys




Une voix me réveille
je lui reste fidèle dans le départ

« on ne va pas à l’amour sans arrachement et sans perte »

Qui parle d’abandon ?
l’abondance sur la ville fait mes délices
les livres par milliers m’avalent dans le clair-obscur

Je reste ici et j’attends
que tu ouvres la porte et la pousses

Qu’une parole m’atteigne
et je renais à la parole




La touche et son retrait
la levée qui disparaît en se levant


Il est temps
que chacun vienne et parte
chante et vise
le front des idoles


Pour refaire ce qui a été défait
dans le don
l’abandon du cœur




« Quitte ton pays et la maison de ton père pour le pays que je t’indiquerai »


On s’en va sans savoir
espérant contre toute espérance

mais en sachant
qu’une voix quand elle chante
chante toujours son amour et sa perte
touche un instant le ciel
touche un instant l’abîme




(Entend qui a des oreilles)




Surgissement / évanouissement

A toi de comprendre
à toi d’entendre

Me voici je suis là
je suis toujours là pour toi

Si c’est toi que j’appelle
je n’appelle personne d’autre que toi

Je suis là et je m’en vais
m’effaçant dans la lumière d’un jardin
l’obscurité d’un tombeau

Me voici
ici
mais pas ici même
ailleurs
en partance
mais ici
avec moi-même
sans être le même

Tu vas me croire
si tu m’entends
si tu entends ma voix qui dit ton nom
le nom que j’ai choisi pour toi

son infinie levée
sa présence et son écart



(Marie-Madeleine)



Aucune amarre jamais plus
ne te retiendra au rivage

Tu ne tiens rien tu ne peux
rien tenir
ni retenir
voilà ce qu’il te faut aimer
et savoir

Voilà ce qu’il en est
d’un savoir d’amour
exerce toi à perdre
ce que tu étreins

Perds ce que tu aimes
aime ce qui t’échappe
aime celui qui s’en va
aime qu’il s’en aille




Fais-moi entendre mon nom et fuis, mon amour mon parfum,
je tuerai la mort en te retrouvant.


J’ai
Je sais
Je désire
J’aime encore beaucoup



l’amour



et ces voiles blanches

sous un ciel affolé par l’orage

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