lundi 24 septembre 2007

la dernière épopée de charles-mézence briseul

1.
brille le soleil
les êtres sont partis
derrière eux une traînée de présence
les assises de la plénitude ne tremblent pas
encore
je leur demande: « pourquoi fuyez-vous? »
une jeune fille rit dans les genêts
puis disparaît
tenter d'entrer dans la joie pure de la joie
m'a-t-elle dit: « l'excès de drogues récréatives augmente
les risques d'alzheimer tout comme l'athéisme »
l'astre du jour au zénith m'oint de sa glaire et fait tomber
sur le monde des écailles de lumière
c'est bien le minimum
une gloire solitaire qui pourtant en est une
aucun raclement métallique dans le fond de l'air
sinon sourd au-delà de l'horizon, sa courbure,
le beuglement des barbares agressifs, tapis au-delà
l'angoisse des soldats si loin si loin au-delà
quels sont-ils?
brille le soleil sous ma gloire
brille le soleil jusqu'à l'horizon seulement
brille le soleil source de toute gloire
j'attends sous la tente de chef avec les moustiques
l'épopée commence dernière

2.
l'humeur du héros sautille avec le vent
ce qui rend les choses difficiles
mais la direction de sa quête reste la même
la teneur générale, pas la quête en elle-même
pourquoi? pourquoi les créatures exigent de nous
attachement, désirons-nous les posséder?
je dois perdre un à un les éléments de mon apparence
abandonner sans me retourner ... sur le pas de la porte
laisser le cheval bride ballante errer dans la forêt sombre, sans fin
et traverser les ponts au-dessus de ce qui écoeure
c'est inhumain tant j'aime les jolies idoles sucrées et douces
qui font le plaisir, l'énergie et le reste
des feuilles de cuivre craquent, une fine pellicule de fraîcheur
enveloppe mon corps, du froid à venir, l'attention est aiguisée
variante :
des feuilles de cuivre craquent
une fine pellicule de fraîcheur
enveloppe mon corps
du froid à venir, l’
attention est aiguisée

3.
au-delà de l'horizon quand tu sentiras la courbure
du globe là seront les barbares
et pas question de les trouver en toi
au fond sans fin de ta caboche maladive
le tiroir humide de tes rêves, envolé!
pas dans la belle histoire, ses héros, ses traîtres, ses suiveurs
cela est le picotin des êtres aimables
qui font les communautés
les barbares t'attendent pile quand la terre s'arrête
tapis dans les bordures extérieures, l'incréé, le néant
ce qui est sans visage si tu préfères
la frayeur qu'ils inspirent est inégalable
(et) ayant tout abandonné tu n'as qu'eux
à chérir, à maudire, à détruire si cela est possible

4.
tu te sépareras de ta mère
tu te sépareras de ta mère
de toutes tes femmes, des toutes tes attaches
de tous les êtres
et le désastre de ton entreprise sera le seul motif
valable de continuer
ne jamais voir dans l'oeil de la bête crevée
autre chose qu'un oeil de bête crevée
jamais tu en mourrais
idem pour les branches des arbres, la croisée des chemins

5.
au premier tintement d'une fine feuille de cuivre
j'entre dans la Contingence Absolue
ce qui est ne peut être qu'autrement et cela est admirable
cuivrement fineuille de je dis
la mort de dieu n'est pas une petite affaire personnelle
non non et non les nourrissons sont idiots de rire ainsi
en serrant mon index que je leur tends malgré moi
à la sortie du bois, aucune irruption ni catastrophe
les énigmes et les péripéties, nada
seule rôde l'Insignifiance qui est mère de tant d'instants
ceux qui tissent nos jours, nos maisons et la cotte de maille
capable d'arrêter l'acier des armes

6.
à la sortie du bois j'ai dû laver la peau des attaches
des instants, des fioritures de réalité et cela
est plus douloureux que l'équarrissage des troupeaux entiers
puanteur, beuglement, mort électrique et la fournaise de la charogne
l'eau s'en est écoulée dans l'humus sec qui l'a bue comme
n'importe quelle eau et la peau a toujours aussi froid, faim et peur
et l'eau lave toujours avec la même ignoble indifférence
« tu n'iras pas dans la boue, tu n'iras pas dans la lumière
tu resteras dans cette part du monde où l'on ne te voit pas
tu renonceras à ce qui fait le monde pour toi
tu vibreras nu au milieu des choses qui ne sont pas, qui ne sont jamais
et ce qui n'est plus tu l'oublieras » me dit l'eau
que je dois supporter

7.
à l'orée du bois, la lisière, l'extrémité
des petites choses adorables sortent d'une femme
allongée dans la mousse et les trompettes de la mort
des larves blanchâtres que j'étreins
que je crève, que je jette le plus loin possible
de moi
j'aime plus que tout ces choses adorables
les aimer m'aime, c'est indéniable, ici et maintenant
puis elles s'évaporent en laissant un parfum de souffrance
s'agripper à ce qui fait que la scène tient le coup
trop étreint mal étreint rien
hagard dans le bois dont on ne sort plus à cisailler
l'air
avec l'épée
tant les choses s'enfuient plus vite que tout
puis errer le désir vif
toujours
frapper

8.
les ennemis et les coups durs sont les écailles
où ricoche le monde
sous lesquelles évolue le héros libre et pesant
il est loin le temps de l'invisibilité

9.
après le pont et l'énigme que je résous
une demeure confortable et son habitante
l'enjeu est charnel
tout basculerait si tel n'était pas le cas
ce qui n'arrivera pas
mais la question s'est posée
un bruissement d'eau et l'éclat de la chair
je ne pose aucune question

10.
les grands combats contre les barbares
assoiffés du manque de cohérence au sein de l'individu
n'augmentent ni la gloire ni le désespoir
penser à soi suffit à les éviter
et nous laisse inepte au milieu d'une immense place vide
alors les affronter
frapper
toujours

11.
le héros ne tremble pas
il scintille et cela le rend
difficilement repérable mais prévisible

12.
ô mon destrier
la plaine est longue
ton cuir luisant doit endurer
la pénibilité de l'effort
moi le reste, plus immatériel
ô plaine
ne jamais considérer la monotonie
le bivouac, l'embuscade
et l'attente au milieu de nulle part
ce n'est pas une vie

13.
le désespoir est aussi incompréhensible que
je marche malgré la fatigue
maintenir un niveau général moyen
alors je serai joyeux?
passent des bêtes dans le fond
la joie qui est impudique

14.
viendront les regrets, la lèpre
ravage
si mécaniquement, physiquement, rien n'est éliminé
asséché alors renaîtront-ils toujours
les terribles regrets
me couper le bras pour ne jamais plus voler
est la devise des vertueux
la suivre, la suivre
laisser couler les regrets
l'âcreté, fi!

15.
sont venues les éclats
tressaillir la chair
l'élan des muscles
radieux et les haies rient
à en perdre la raison
les pâtures fleurissent
sous mes pas
il est évident qu'un principe
soutient l'harmonie et le chaos du réel

16.
qu'adviendra-t-il de certain?
de conséquent?
d'important
(chaque ligne annule la précédente)

17.
large vrombit
la défaite
sourde dans nos cœurs
qui n'en peuvent plus mais de battre
suffoqués le regard déterminé dans le vide
des montagnes s'écroulent indéfiniment
dans les secondes interminables
la mort semble confortable
ô mon destrier toi plus que toi
a la force d'atteindre la bordure extérieure
et moi que tu traînes
une chose
large vrombit
la défaite
sourde dans nos cœurs
qui n'en peuvent plus mais de battre
nos corps portent des marques qui ne se voient plus
rien n'indique la dureté des luttes
nous sommes indifférents
en manteau gris dans le brouillard
large vrombit
la défaite
sourde dans nos cœurs
qui n'en peuvent plus mais de battre

18.
les interdits, les codes, les structures
pleuvent
comme des armes
et dieu sait combien les armes sont belles
en particulier le xm-177, trapu et sauvage
dieu sait combien
elles entravent les efforts de tout guerrier
occupé à bien faire
soupirer, les secondes sont trempées par les pluies
chaque seconde
souffler
peut-être y a-t-il quelqu'un au bout du chemin
c'est flou ou je n'ai pas envie qu'il y ait quelqu'un
au bout du chemin

19.
la lutte carnassière
visages défaits, haine haletante
ruses de l'espèce, si belle dans un parfum léger
les femmes cherchent un bon reproducteur
savourer la ruine, après, après! c'est après qu'il faut courir
larges dans nos poitrines qui cognent
la nature rude, froide qui fait fumer nos poumons
ligotés à une chaise, que leur faire? clairement hostiles
l'attente, le regard, l'œil plus simplement, voilà le début de toute morale
oui, vaste, lancer, circulaire geste d'un, une faux, une hache, une pioche
s'abattre dans la motte rouge qui ne hurle plus
que faîtes-vous?
vos paroles ne sont plus entendues
il n'est plus possible de les entendre, tout est dernier
après
la réalité fait défaut
seul le réel vibre, le sang et son goût, le faire jaillir
sans que personne ne s'y abreuve
ne se fonde dans le grenat
je m'avance au-delà de la bordure extérieure
sur une route de chair
et sous mes pas tout s'évanouit

20.
vois dans le sang les vestiges
de tes sentiments
les attentions, oui, et de restes de vie
instants qui vibrent le long de la gravité
celle qu'on donne gratuitement
mais qui pourrait ne pas être
une odeur, le toucher d'une peau satinée
des histoires
humer âcre le cadavre qui n'est ni de la viande pour vers
ni un collier vivant d'états d'âme
rentrez chez vous
partez tous
vos petits ont besoin de vous
la terre boit comme une
les dernières gouttes de sang
les derniers barbares
les derniers incidents

21.
« tout est buée »
cela est acceptable sauf pour moi
et le fait de ne pas l'accepter ne peut que renforcer sa vérité
j'écarte les branches avec fermeté et réalisme
certaines heures sont perdues ou inutiles
mais l'ensemble est important
c'est le mont des oliviers!
ma nuit noire pendu au doute oui moi!
le reflet tremble diaphane etc.
dure moins qu'un instant
jacky ramasse les carottes

22.
le gosier sec
gaspiller toute mon eau qui n'étanchera rien
j'entre dans le désert
partout, rempli de miroirs, je suis
le lion parle
je le fuis parce que lion
l'agneau parle
je le fuis
mon ombre je la suis de par les dunes
des attributs changent au fil des nuits
une gigantesque forme blanche
projetée par des machines dérivées de la matière cérébrale
d'où je parle?
parler n'importe
plus

23.
détruis-moi
…(et)…
le bras n'est plus horizontal
pointe l'arme
je ne gravis pas
seulement quand je hais
les langues de sang
brodent

24.
qu'il s'avance
qu'elle s'avance
pas au détour, ni au bout

25.
l'espoir et la crainte
tissent
la course des barbares
on se marre dans le fossé
en fumant du gros
la course des barbares
parfois dévaste notre système respiratoire
crache, crache! frérot, camarade!
il est doux
s'entassent ils au fond du monde
être invisible n'a plus de sens
et doit en avoir un
crache, crache! frérot, camarade!
on s'en fout le cœur serré
la gorge qui grince
les handicapés dansent sous le ciel malade
pour louer les dieux trop présents
des filles ouvrent leurs cuisses huileuses
d'où sortent des boulons, des chevilles
des armes rouillées qu'ils brandissent
hilares
les mères mangeront leurs enfants, à coup sûr!
l'oreille collée contre la piste
j'entends à peine le galop destructeur
s'évanouir de l'autre côté

26.
le spécialiste des sangsues
touille la vase
« c'est mon âme »
leur corps élastique
prévisible
le scalpel ouvre leur ventre noir
petites machines
qu'il chérit
les publicités en apparence abrutie
sont destinées aux cervelles frites
mes chéries
jamais vous ne vous brisez
lorsqu'on vous torture
endurez
les instruments sont si beaux
aluminium, circuits imprimés, puces
vos corps : tabernacles
que j'ouvre et ferme
à ma guise
mes sangsues, mes putes, mes camarades
mes machines
mon âme

27.
personne
plus personne
au-delà du gué
après le vallon
le monde

28.
le problème de l'être n'est pas naturel
la pierre est
je ris sous les hallebardes célestes
protège le monde

29.
je ne suis pas toujours (à la hauteur de)
ce que je suis
la réalité m'en tient rigueur
et ce n'est pas le désert
absolu
qui renversera la balance
un lapin serait le bienvenu
au minimum

30.
les empires, les écrans
clignotent
personne
ne
danse
c'est un chaos d'humains
et de machines
il ne s'agit plus d'être
entre les silences des clignotements
et s'il n'y a personne
au cœur du désert
le lapin sera le messie
même bleu
lui qui est à hauteur de ce qu'il est
je crois cela
je n'intensifie plus le monde
qui bout avec les barbares
qui hurlent
le lapin devrait exiger une livre de chair
comme tribut
c'est la moindre des choses : un minimum
mais il ne le fait
il tend son œil
que je lèche
il ne pleure pas
il reprend son œil
me le tend
que je jette
il reprend son œil
me le tend
que je songe à écraser
les barbares grondent
les empires, les écrans
clignotent
je suis avec le lapin

6 commentaires:

Tristan a dit…

j'ai pas tout compris

le corridor bleu a dit…

cher tristan, nul besoin de comprendre, laisse toi bercer par les images

La diarrhée a dit…

Très bien ce texte, Charles-m.
Ca forme un tout ou bien y a-t-il encore ?

le corridor bleu a dit…

il y a encore
ce sera publié sous peu
je te tiens au jus
merci

Aes a dit…

Yeah Mr Briseult, c'est Charlie ! L'adresse e-mail que j'ai reçue il y a longtemps semble ne pas être la bonne, quoiqu'il en soit, envoyez-moi vos coordonnées (e-mail et adresse) histoire que je puisse vous rendre visite un de ces quatres pour vous savez quoi ! ;)

L'Art n'attends pas, et après la lecture de votre texte, on peut dire que le sens du mot "poésie" n'est pas galvaudé de nos jours !

Syndrome de Tokyo a dit…

Très bien oui !

Dans un autre genre, plus obscène, mais qui pourrait vous plaire :
http://syndrometokyo.blogspot.com/2009/10/le-retour-automnal-de-vasconi.html