
mardi 27 mai 2008
dimanche 25 mai 2008
samedi 24 mai 2008
le cri de la roussette
Cette fable humoristique sur le cri de la roussette (chauve-souris frugivore) sert de prétexte à un inventaire toponymique du village de Tendo (tnedo) en Nouvelle-Calédonie. Elle est en langue Nemi (région de Hienghene). Elle a été recueillie par Remi Pagu Faale de la tribu kavatch, côte est de NC, en 1973.
Roussette, en quête d’un figuier, visite, l’une après l’autre, toutes les demeures de Tendo, qui sont donc énumérées dans l’histoire. C’est en effet l’usage en NC et aux Îles Loyautés que chaque habitation d’un village ait un nom particulier, nom qui peut aussi désigner le propriétaire du lieu.
Roussette, en quête d’un figuier, visite, l’une après l’autre, toutes les demeures de Tendo, qui sont donc énumérées dans l’histoire. C’est en effet l’usage en NC et aux Îles Loyautés que chaque habitation d’un village ait un nom particulier, nom qui peut aussi désigner le propriétaire du lieu.
hingoo-ng
bwek
ye moo seen-javec
ye hyalagi pwe
o ye tnoon tnoon tnoon… hma-e-me tiya koi pwe
o ye tnoon na tiya hma-e-me le sove koi pwe
o ye tnoon tnoon tnoon hma-ra-me sinai koi pwe
o ye tnoon tnoon hma-ra o sima koi pwe
o ye tnoon tnoon tnoon hma-ra le hogec koi pwe
o ye tnoon tnoon tnoon hma-rii pwawada koi pwe
o ye tnoon tnoon hma-en le kare-peec koi pwe
o ye tnoon tnoon hma-ra le wongara koi pwe
o ye tnoon hma-en le ku-paik koi pwe
o ye tnoon tnoon hma-en o hure-nga
ye taxi veli pwe
ye cani ngeli pwe-n cani cani cani… ra cani figi
o ye hwai ngeli doo-n hwai hwai hwai… ra hwai figi
o ye hwai tic vi cenexe-n
hwai tic tic tic hma-ri-n ngeli waa-n
o ye hwai ngeli waa-n hwai hwai hwai… ra hwai figi
ye hwai tic v iwa-kuuxen
ye hwai tic tic tic hma-ri-nga-n vi bale-n o ye hma-ri-n hmwaliido
ye imwaang ta-me ru hmwaliido o ye hwii-ek
o ye knaak ru bwek « kiknaak kiknaak kiknaak »
voici mon histoire :
roussette
elle habite à seen-javec
elle cherche des figues
alors elle court court court à tiya pas de figuier
alors elle court court court monte à sinai pas de figuier
alors elle court court monte à sima pas de figuier
alors elle court court court monte à hogec pas de figuier
alors elle court court court descend à pwawada pas de figuier
alors elle court court jusqu’à kare-peec pas de figuier
alors elle court court jusqu’à hure-nga
elle trouve un figuier
elle mange les fruits mange mange mange… et les mange tous
elle mâche alors les feuilles mâche mâche mâche… et les mâche toutes
elle mâche alors les branches mâche mâche mâche… et les mâche toutes
elle descend alors en mâchant le tronc
descend descend descend tout en le mâchant jusqu’aux racines
elle mâche alors les racines mâche mâche mâche… et les mâche toutes
elle attaque la racine mère
elle descend descend descend en la mâchant jusqu’au bout et tombe sur fourmi noire
fourmi noire lui saute dessus et la pique
et roussette de crier : « kiknaak kiknaak kiknaak »
lundi 19 mai 2008
qui vive de christophe manon 2
Seras-tu capable d’appuyer sur la gâchette et de tirer ?
Pourras-tu donner la mort sans hésiter ?
Même pour survivre quelques heures, quelques jours peut-être.
Est-ce possible ? Comment en es-tu arrivé là ?
Il faudra bien cependant puisque telle est la situation.
Survivre jusqu’au lendemain. Plus peut-être.
Un sursis pour un être en sursis dans un monde en sursis.
Pourtant n’oublie pas, camarade, la mitraillette est une machine
parfaite pour tuer, mais inutile pour se protéger.
Se protéger de la mort. La sienne ou celle d’un être proche.
Du froid, de la solitude, du désespoir, du non-sens.
T’es-tu jamais demandé à quoi peut ressembler la mort, camarade ?
A-t-elle même une apparence ou n’est-ce qu’un brouillard,
une vapeur, le néant qui s’empare de l’être ?
Voit-on une image, un visage, un masque peut-être,
pareil à ceux des acteurs japonais ou des tragédiens grecs,
autrefois, quand il existait encore des acteurs et des tragédiens ?
Entend-on quelque chose ? Un cri ? Un chant ? Le sifflement
d’un oiseau ? Le cliquetis métallique d’un verrou ?
Que ressent-on à cet instant ? A-t-on peur ? A-t-on froid ?
A-t-on chaud ? Ou bien soudain se sent-on apaisé,
comme lavé de toute crasse, reposé de toute fatigue ?
Est-ce une sensation commune à tous les êtres
ou différente pour chacun ? Saisit-on en un instant,
comme on le dit parfois, de quoi est faite une vie humaine,
ce qui, dans cette vie, est le plus important ?
Revoit-on en accéléré, par flashs, le film des moments,
heureux ou non, qui ont comptés pour nous ? Son approche
sera-t-elle effrayante ? Sera-t-elle pour toi une ennemie
décidée à t’arracher à la terre pour t’entraîner dans la nuit scintillante ?
Bientôt ton tour viendra, camarade, et tu n’y a jamais songé.
Ta ténacité, ton obstination têtue t’ont toujours poussé
de l’avant sans que le doute ne t’effleure jamais.
Mais instinctivement, dans ta brutalité épaisse, pleine de bon sens,
tu n’ignores pas que cela ne sert à rien de penser
à la mort, car aussi préparé qu’on soit, elle se présente
à chacun de façon inédite. Simple. Limpide. Évidente.
Comme la trajectoire d’une balle qui touche au cœur sa cible.
•
Dans l’enchevêtrement tu es maintenant incapable de distinguer
les pattes des serres et des griffes tournoyantes,
les serres et les griffes tournoyantes des pattes,
les griffes tournoyantes serres pattes des explosions de grenades à main tapis de bombes éclats de mitraille,
les griffes tournoyantes serres pattes explosions de grenades à main tapis de bombes éclats de mitraille de tes branchies babines crocs ventre à toi
dans l’instant de sang gélatine viande provisoirement nommé
combat. N’ayant pour les coups contre ta propre substance
nul autre baromètre que la douleur ou plutôt
la montée soudaine de douleurs multiples et ininterrompues.
Dans cet anéantissement continuel sans cesse
réduit à tes éléments les plus petits et te rassemblant sans cesse
à partir de ces débris dans une reconstruction continuelle.
Te voilà maintenant bien plus grand qu’un homme,
et il te semble que tu es toi-même le danger, camarade,
et à l’intérieur de ce danger, tu es le noyau.
•
Maintenant tu as mal, camarade, d’une douleur sans âge,
celle qui parcourt à gros bouillons de sang
la longue histoire de l’humanité. Maintenant
tu voudrais cesser d’entendre et de voir,
te transformer en plante ou mieux encore en pierre,
incapable d’un cri ou d’un geste, et tu voudrais sombrer
dans un long sommeil qui n’arrive pas.
Maintenant tu as mal, camarade.
Tu agonises ou tu es déjà mort. Peu importe.
Tu fermes les yeux et te recroquevilles en position fœtale.
Tu voudrais simplement rejoindre ton terrier natal,
te coucher dans ta ruche tout confort pour une longue nuit
sans rêve. Désireux maintenant de dormir en paix.
Tu ignores qui tu es, où tu es, et ce que tu fais, camarade.
Tu ignores si tu te trouves au centre ou à la périphérie de la mort.
Et quelle importance d’ailleurs ? Lèvres clauses, tu cherches.
Tu cherches des mots, mais dans quelle langue
et pour communiquer avec qui ?
Les yeux écarquillés comme un animal
sauvage surpris dans sa fuite, tu protestes.
Tu ne comprends pas et tu protestes.
Ne t’en fais pas, camarade. Dans ce monde mourir
n’est pas difficile. Vivre l’est beaucoup plus.
Vivre n’a de sens que relié aux nombreux cercles
de l’espace noir. Ne t’en fais pas. Ta mort était
déjà ancienne quand ta vie commença.
Mais est-ce mourir cette incompréhension,
cette surprise, la bouche ouverte, les bras ballants ?
Tu fermes les yeux, camarade.
Tu fermes les yeux et tu vois maintenant.
De ton lointain passé surgissent des souvenirs
que tu croyais disparus à jamais :
travail en cours & à suivre
mardi 13 mai 2008
le journal d'antoine brea
on trait la poudre
depuis ce matin.
nous bondissons, moi,
je saute par-dessus les balles.
+
j'ai pour obligation professionnelle de fréquenter souvent les hôtels de police. j'y rencontre, pour gagner mon pain, des rouleurs et des chourineurs avec un sourire en épingle, des stupéfiés aux poignets trop menus pour tenir les bracelets avec lesquels on les accroche, des réfugiés remontés par la seine en barque, des brésiliens qui font la pute, des proxénètes à grands souliers, des braquo qui transpirent en passe-montagne. il m'arrive de croiser aussi un procureur au visage passé au formol, des baveux en collerette qui rafraîchissent les faces de leur salive, des victimes la mousse aux lèvres qui crient partout "la mort !", et parfois même un juge du siège que l'on promène en lui parlant avec des cuirs. on peut me croire, tout ce monde-là ne sent pas bon, et les décors sont plutôt moites. les limiers en armes qui nous regardent ne sont pas aimables.
je raconte ça pour qu'on comprenne, parce qu'à force de tremper dans une eau, il est de règle qu'on s'en imbibe. et l'on prend vite aux habitants leurs us et leurs automatismes. pour moi, je dois reconnaître qu'avec le temps, je suis devenu plus méfiant qu'un cogne à barbès. j'ai acquis le tempérament salement matraque.
là-dessus, je déclare sans tergiverser que j'ai tout de suite senti que louis-françois delisse est un type pas clair. d'ailleurs, il n'y a pas à chercher loin, tout sort tout seul et sans qu'on force de sa bouche. delisse se dit fier d'être né et d'avoir poussé comme une herbe dans un "hameau de douaniers et fraudeurs" du nom de "gibraltar"... près de roubaix. il détaille par le menu ses crimes d'enfant et comment dès tout jeune, il empruntait plusieurs identités pour circonvenir les filles et mener d'autres et plus coupables entreprises. delisse s'esclaffe encore d'avoir fait du scandale en ville à quatorze ans et de s'être affiché sans honte dans les cafés à la table de repris de justice.
mais c'est "delisse l'africain" - c'est le nom de pègre qu'il a fini par s'attraper - qui est le vrai suspect. en 1954, delisse se vante d'avoir mis les bouts pour le continent noir afin de s'affranchir du rappel à l'armée qui lui pendait au cou et qu'il savait devoir, au regard de son passé chargé, effectuer en "disciplinaire". là, au beau milieu des guerres et des trafics coloniaux, il serait resté sept ans à se mirer doucement dans l'eau des fleuves, à observer se barbeler les arbres, à entendre chantonner les femmes et le bêlement des chèvres. là, il aurait enseigné aux enfants une langue honnête, il aurait vécu hors du temps une vie presque de saint, il serait bientôt devenu propre et simplement poète...
+
on ne s'étonnera guère, vu ses antécédents à la mesrine, que j'émette des réserves sur les activités réelles de delisse au niger. de loin en loin, je m'interroge aussi sur l'origine d'un livre qui porte son nom et que je viens de lire.
j'ai pour bonheur de tenir dans mes mains un choix de poésies amoureuses des touaregs, poésies "compulsées" et seulement "traduites", paraît-il, par delisse.
à leur sujet, delisse évoque un mystérieux prêtre, le père charles de foucauld, ermite vivant dans le hoggar entre les années 1900 et 1917. un prêtre coureur des déserts, qui aurait rassemblé en notes scrupuleuses les poésies d'amour que le peuple touareg s'échangeait le soir dans les tentes, au cours de l'ahâl, sous le violon des filles.
celui-ci, le violon à l’œil sec,
le très-haut lui donne protection !
pour que, s’il chante, les hommes
se taisent, en rattachant le voile
sur leur visage.
durant son exil, delisse aurait eu l'heur de découvrir, dans les gisements d'archives de la bibliothèque de l'institut français d'afrique noire de niamey, les notes patiemment recueillies par le père de foucauld. il déclare n'avoir fait que donner suite, par une traduction sans ajout, une reproduction en français mot à mot, au travail du vieux prêtre, à qui revient l'honneur d'avoir fait la lumière sur l'une des poésies orales les plus vives, les plus vertes et les plus érotiques.
une source amie bien informée me jure que toute l'histoire est vraie, que delisse n'a rien inventé, qu'à l'aide de quelques interprètes, il s'est borné à être le froid transcripteur des feuilles d'un missionnaire saisi d'émotion pure devant la poésie d'un peuple qu'il avait vu d'abord comme le ramassis des "moins civilisés des hommes".
pour moi, je ne serai pas la dupe de ce conte. et je dis que delisse, dans toute sa cavale en afrique, n'a pas passé une heure dans une bibliothèque, mais qu'il a sûrement coulé sept ans de vraie vie à réciter lui-même des charmes sous les tentes des belles touaregs, à écouter le chant de leurs violons, à arpenter le désert en tous sens à la recherche d'eau et de marchands à dépouiller de riches tuniques indigo de kano, à envoyer des balles d'argent dans le coeur des français et des arabes qui croient pouvoir manger l'espace comme le désert.
c'est sûr, ce sont ses propres aventures que delisse a livrées ici pieds et poings liés.
eh ! tabarot', chemnou, téhîouat',
bouhnan' à la blancheur de fromage
et moumaghbèd', si celle-ci a saisi
la baguette du tambour, ma poitrine
sera prise d'ardeur pour le combat.
je me souviendrai des jours de tabezzat'
lorsque nous sommes montés sur les crêtes
au son de la flûte, tandis que les lâches
se couchaient sur leur ventre, assoupis
sous la colline, cachés par leurs chameaux.
nous avons frappé une danse de nègres
sur nos boucliers, nous avons crié à
akhnoukhen' : "approche, meure ta mère !
ma créance payée, par allah, enfuis-toi
jusqu'à l'ajjer de l'orient !"
ce sont ses propres chants de combat qu'il rechante, en souvenir des trois chèches et du long fusil scintillant dont ses amis de razzia jadis l'ont comblé.
les arabes, donnez-leur
de l'intérieur de votre coeur !
brisez-les menu
avec la poudre à fusil fine.
puis revenez à cette tente
qu'a montée diaï
près de cette pierre d'élias.
c'est le deuil de sa propre dépouille touareg dans les bandelettes qu'il pleure en amoureuse.
eh toi, mon cousin germain, mon bien-aimé !
il y a longtemps que je craignais une séparation
d'avec toi. ils sont revenus, ils ont dit
que tu es mort là-bas !
je suis montée à la colline isolée où est mon lieu
de sépulture, j'en ai levé les pierres,
j'ai mis mon coeur dans une tombe.
ton odeur, je la sens entre mes mamelles,
elle jette le feu dans mes os.
c'est louis-françois delisse qui a écrit ce livre, j'en mettrais ma main à couper. je parie un blanc méhari.
Note du responsable de re-pon-nou: j'ai lu ce texte sur le blog d'antoine brea qui m'a autorisé à le reproduire ici. Bien sûr je ne partage pas son avis.
je raconte ça pour qu'on comprenne, parce qu'à force de tremper dans une eau, il est de règle qu'on s'en imbibe. et l'on prend vite aux habitants leurs us et leurs automatismes. pour moi, je dois reconnaître qu'avec le temps, je suis devenu plus méfiant qu'un cogne à barbès. j'ai acquis le tempérament salement matraque.
là-dessus, je déclare sans tergiverser que j'ai tout de suite senti que louis-françois delisse est un type pas clair. d'ailleurs, il n'y a pas à chercher loin, tout sort tout seul et sans qu'on force de sa bouche. delisse se dit fier d'être né et d'avoir poussé comme une herbe dans un "hameau de douaniers et fraudeurs" du nom de "gibraltar"... près de roubaix. il détaille par le menu ses crimes d'enfant et comment dès tout jeune, il empruntait plusieurs identités pour circonvenir les filles et mener d'autres et plus coupables entreprises. delisse s'esclaffe encore d'avoir fait du scandale en ville à quatorze ans et de s'être affiché sans honte dans les cafés à la table de repris de justice.
mais c'est "delisse l'africain" - c'est le nom de pègre qu'il a fini par s'attraper - qui est le vrai suspect. en 1954, delisse se vante d'avoir mis les bouts pour le continent noir afin de s'affranchir du rappel à l'armée qui lui pendait au cou et qu'il savait devoir, au regard de son passé chargé, effectuer en "disciplinaire". là, au beau milieu des guerres et des trafics coloniaux, il serait resté sept ans à se mirer doucement dans l'eau des fleuves, à observer se barbeler les arbres, à entendre chantonner les femmes et le bêlement des chèvres. là, il aurait enseigné aux enfants une langue honnête, il aurait vécu hors du temps une vie presque de saint, il serait bientôt devenu propre et simplement poète...
on ne s'étonnera guère, vu ses antécédents à la mesrine, que j'émette des réserves sur les activités réelles de delisse au niger. de loin en loin, je m'interroge aussi sur l'origine d'un livre qui porte son nom et que je viens de lire.
j'ai pour bonheur de tenir dans mes mains un choix de poésies amoureuses des touaregs, poésies "compulsées" et seulement "traduites", paraît-il, par delisse.
à leur sujet, delisse évoque un mystérieux prêtre, le père charles de foucauld, ermite vivant dans le hoggar entre les années 1900 et 1917. un prêtre coureur des déserts, qui aurait rassemblé en notes scrupuleuses les poésies d'amour que le peuple touareg s'échangeait le soir dans les tentes, au cours de l'ahâl, sous le violon des filles.
le très-haut lui donne protection !
pour que, s’il chante, les hommes
se taisent, en rattachant le voile
sur leur visage.
durant son exil, delisse aurait eu l'heur de découvrir, dans les gisements d'archives de la bibliothèque de l'institut français d'afrique noire de niamey, les notes patiemment recueillies par le père de foucauld. il déclare n'avoir fait que donner suite, par une traduction sans ajout, une reproduction en français mot à mot, au travail du vieux prêtre, à qui revient l'honneur d'avoir fait la lumière sur l'une des poésies orales les plus vives, les plus vertes et les plus érotiques.
une source amie bien informée me jure que toute l'histoire est vraie, que delisse n'a rien inventé, qu'à l'aide de quelques interprètes, il s'est borné à être le froid transcripteur des feuilles d'un missionnaire saisi d'émotion pure devant la poésie d'un peuple qu'il avait vu d'abord comme le ramassis des "moins civilisés des hommes".
pour moi, je ne serai pas la dupe de ce conte. et je dis que delisse, dans toute sa cavale en afrique, n'a pas passé une heure dans une bibliothèque, mais qu'il a sûrement coulé sept ans de vraie vie à réciter lui-même des charmes sous les tentes des belles touaregs, à écouter le chant de leurs violons, à arpenter le désert en tous sens à la recherche d'eau et de marchands à dépouiller de riches tuniques indigo de kano, à envoyer des balles d'argent dans le coeur des français et des arabes qui croient pouvoir manger l'espace comme le désert.
c'est sûr, ce sont ses propres aventures que delisse a livrées ici pieds et poings liés.
bouhnan' à la blancheur de fromage
et moumaghbèd', si celle-ci a saisi
la baguette du tambour, ma poitrine
sera prise d'ardeur pour le combat.
je me souviendrai des jours de tabezzat'
lorsque nous sommes montés sur les crêtes
au son de la flûte, tandis que les lâches
se couchaient sur leur ventre, assoupis
sous la colline, cachés par leurs chameaux.
nous avons frappé une danse de nègres
sur nos boucliers, nous avons crié à
akhnoukhen' : "approche, meure ta mère !
ma créance payée, par allah, enfuis-toi
jusqu'à l'ajjer de l'orient !"
ce sont ses propres chants de combat qu'il rechante, en souvenir des trois chèches et du long fusil scintillant dont ses amis de razzia jadis l'ont comblé.
de l'intérieur de votre coeur !
brisez-les menu
avec la poudre à fusil fine.
puis revenez à cette tente
qu'a montée diaï
près de cette pierre d'élias.
c'est le deuil de sa propre dépouille touareg dans les bandelettes qu'il pleure en amoureuse.
il y a longtemps que je craignais une séparation
d'avec toi. ils sont revenus, ils ont dit
que tu es mort là-bas !
je suis montée à la colline isolée où est mon lieu
de sépulture, j'en ai levé les pierres,
j'ai mis mon coeur dans une tombe.
ton odeur, je la sens entre mes mamelles,
elle jette le feu dans mes os.
c'est louis-françois delisse qui a écrit ce livre, j'en mettrais ma main à couper. je parie un blanc méhari.
Note du responsable de re-pon-nou: j'ai lu ce texte sur le blog d'antoine brea qui m'a autorisé à le reproduire ici. Bien sûr je ne partage pas son avis.
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